« Je rédige cette chronique pour les hommes comme ils écrivent des lettres
à leur fiancée.
Je leur écris parce que je ne peux pas leur parler,
Parce que je ne peux pas m’approcher d’eux pour leur parler.
Près d’eux je suffoque,
J’ai le vertige des gouffres.
Si j’ai peur de leur adresser directement la parole,
Ce n’est pas parce que je suis timide,
Mais parce que je ne veux pas rester embourbé dans leurs glaisières profondes,
Dans leurs abîmes marécageux.
J’écris mal et je suis assez vulgaire.
Je m’en réjouis.
Mes paroles mal tournées et outrageantes éloigneront de cette table,
Où des personnes imaginaires sont réunies pour entendre,
Les amateurs et les amatrices de fleurs de rhétorique. »
Réjean Ducharme (Le nez qui voque)